J’ai toujours été surprise et subjuguée par la bringue à Tahiti. La bringue reflète la façon de vivre des Polynésiens : agir spontanément, profiter de l’instant présent et se faire plaisir. Même si je suis habituée, je frissonne encore comme au premier jour à chaque fois que je participe à une fête locale. Il se dégage tellement d’énergie ! C’est sûr, chacun est dans son élément à ce moment-là et on y met tout son cœur.
La bringue, c’est tout simplement le regroupement d’un groupe d’amis, auquel se rajoutent de parfaits inconnus passant par ici à ce moment-là. Pour fêter un anniversaire, un mariage ou pour ne rien fêter du tout, tout est occasion à faire la fête. Chacun ramène son instrument et sa voix, et c’est parti ! Guitare, ukulele, kamaka, djembe, ou encore poubelle à corde. Il faut dire que tout le monde sait jouer de la musique ! Personne n’a fait le conservatoire de ukulele ou même n’a reçu de cours de poubelle à corde. Il n’y a pas de honte à avoir, on s’assoit et on joue. C’est comme si la fibre musicale faisait partie de l’ADN de chaque polynésien.
Et puis, il faut chanter aussi. Pas de carnets de chants, tout le monde connait les paroles. Aux premiers accords et aux premiers mots, on sait ce qu’il faut chanter. Les voix sont magnifiques. Là encore, les voix me transportent et j’en ai la chair de poule. Probablement, les heures passées à l’Église ont dû faciliter et parfaire leurs voix polyphoniques. On est entraîné dans ce tourbillon d’énergie et on n’a plus envie de le quitter.
Il y a aussi d’autres instruments comme des maracas faits maison. Le plus typique, c’est la bouteille de bière vide dans laquelle on met 2 cuillères qu’on serre au rythme de la musique. L’autre, ce sont aussi deux cuillères qu’on frappe ensemble avec sa main et sur sa cuisse. Ce dernier est plus technique. Si tu ne sais pas jouer de ukulele, tu peux toujours faire de la cuillère. Mais, il faudra bien t’y mettre un jour pour rentrer dans le cercle de la fête.
Une fois emporté dans la bringue, on ne s’arrête plus, les morceaux s’enchaînent. Enfin si, on s’arrête quelques secondes pour prendre quelques gorgées de Hinano (la bière locale), carburant indispensable pour jouer toute la nuit. Entremêlée de rires, de paroles déformées et de bonne humeur, la bringue est là pour nous rassembler, conserver les traditions musicales et garder la joie de vivre. Une chose est sûre, c’est que l’énergie polynésienne y est bien présente !
Tableaux : Marco Lundi et Jean Shelsher